Liberté d’expression : quelles limites ?

Liberté d’expression : quelles limites ?

Publié le 09.02.2015 – Direction de l’information légale et administrative (Premier ministre)

Il n’y a pas de pensée libre sans la possibilité de connaître les idées d’autrui, d’y confronter sa réflexion et donc aussi de faire connaître et discuter son opinion.

C’est pourquoi la Convention européenne des droits de l’homme dispose que « toute personne a droit à la liberté d’expression ». Ce droit comprend « la liberté d’opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu’il puisse y avoir ingérence d’autorités publiques et sans considération de frontière ».

La liberté d’expression n’est pas pour autant absolue et doit se concilier avec d’autres libertés ou droits fondamentaux. Ainsi on ne peut pas accepter, au nom de la liberté d’expression, que quelqu’un crie « au feu ! » dans une salle de cinéma bondée, alors qu’il n’y a pas de feu.

Il y a donc dans les sociétés démocratiques des limites à la liberté d’expression. Citons plusieurs exemples d’abus que la loi française a prévu de sanctionner :

  • les diffamations et les injures,
  • la transmission sans son consentement d’images d’une personne prises dans un lieu privé,
  • la diffusion ou la reproduction de fausses nouvelles,
  • la diffusion, sans son accord, de l’image d’une personne identifiée ou identifiable portant des menottes alors qu’elle n’a pas fait l’objet d’un jugement de condamnation,
  • la publication de tout acte de procédure criminelle ou correctionnelle avant qu’il ait été lu en audience publique,
  • la diffusion d’informations permettant l’identification d’un mineur ayant quitté ses parents ou victime d’une infraction, sauf demande des personnes ayant la garde du mineur ou des autorités,
  • l’apologie ou la provocation à commettre certains crimes ou délits, telles l’apologie des crimes de guerre ou contre l’humanité, des actes de terrorisme ou la provocation à ces actes,
  • les diffamations et injures envers les personnes à raison de leur appartenance, réelle ou supposée, à une nation, une ethnie, une race ou une religion déterminée.

Quelle différence alors entre sociétés démocratiques et non-démocratiques ?

Dans une société démocratique, la liberté d’expression vaut non seulement pour les « informations » ou « idées » inoffensives ou indifférentes, mais aussi pour celles qui heurtent, choquent ou inquiètent le gouvernement ou une fraction quelconque de la population.

Les restrictions éventuelles à la liberté d’expression doivent donc satisfaire à plusieurs conditions strictes pour ne pas y porter atteinte. En Europe, ces conditions ont été précisées et sont garanties par les tribunaux :

  • les restrictions à la liberté d’expression doivent être prévues par une loi et énoncées de manière claire et précise ;
  • elles doivent être motivées par la poursuite d’objectifs légitimes dans une société démocratique, comme par exemple la protection de la réputation d’autrui, la nécessité d’empêcher la divulgation d’informations confidentielles ou celle de garantir l’impartialité du pouvoir judiciaire ;
  • elles doivent être réellement nécessaires et les mesures ou sanctions proportionnées au but.

Les restrictions doivent satisfaire ce triple test. A contrario, ne serait pas justifiée une restriction à la liberté d’expression énoncée par une loi claire et poursuivant un objectif légitime mais qui ne serait pas réellement nécessaire à la protection de cet objectif. C’est ainsi que le délit d’offense à un chef d’État étranger a été abrogé suite à un arrêt de la Cour européenne. Non pas qu’on ait le droit de l’injurier ou le diffamer. Simplement, la Cour a jugé que créer ce délit spécifique « n’était pas une mesure nécessaire dans une société démocratique (…), d’autant plus que l’incrimination de diffamation et d’injure, qui est proportionnée au but poursuivi, suffit à tout chef d’État, comme à tout un chacun, pour faire sanctionner des propos portant atteinte à son honneur ou à sa réputation ou s’avérant outrageants ».

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